L’élément matériel du contrat de société

Par Amanda Marcome, le 21 janvier 2022, mis à jour le 18 janvier 2022 — 10 minutes de lecture
élément matériel contrat société

Outre les conditions générales classiques comprenant le consentement, la capacité, l’objet et la cause, des conditions spéciales sont imposées par les articles 1832 et suivants du Code civil, conditions sans lesquelles il ne peut y avoir de société.

Il y a trois éléments qui doivent être réunis pour qu’on soit en présence d’un contrat de société :

–       un élément personnel (associés) ;

–       un élément matériel (apports) ;

–       un élément intentionnel (intention de participer aux résultats sociaux et intention de participer aux activités sociales).

Concernant l’élément matériel, qui correspondent aux apports effectués par les associés, le terme d’apport est une expression ambiguë dans la mesure où il désigne deux choses différentes :

–       l’opération d’apport par laquelle une personne s’engage à mettre quelque chose à la disposition de la société en contrepartie de l’attribution de droits sociaux ;

–       l’objet de l’apport, c’est-à-dire ce quelque chose qui va faire l’objet de l’apport, qui peut être une somme d’argent, un bien en nature ou encore une prestation.

L’intérêt de l’apport

L’utilité de l’opération d’apport

L’opération d’apport est doublement nécessaire. Elle est en effet nécessaire à l’existence et à la validité de la société, en ce sens qu’il ne peut pas y avoir de société sans apport, et en cas de fictivité des apports, la société est nulle.

Ces apports sont également nécessaires à l’acquisition de la qualité d’associé, en ce sens qu’il n’y a pas d’associé qui n’ait fait d’apport, du moins quand on acquiert la qualité d’associé lors de la constitution de la société ou au moment d’une augmentation de capital. Ultérieurement, on peut devenir associé en faisant l’acquisition des parts d’un associé sortant.

Les caractères de l’acte d’apport

Par ailleurs, c’est également une opération originale, dans la mesure où elle présente une physionomie particulière. L’opération d’apport va se traduire par une attribution immédiate de droits sociaux en contrepartie de l’engagement pris par l’apporteur.

Il en résulte que l’acte d’apport présente trois caractères :

–       c’est un acte à titre onéreux, puisque l’apporteur reçoit en contrepartie quelque chose ;

–       c’est un acte aléatoire, dans la mesure où ce qui va être reçu en contrepartie (les droits sociaux) va avoir une valeur qui fluctue en fonction des résultats de la société ;

–       c’est un acte créateur de droits et d’obligations à la charge de l’apporteur.

L’acte d’apport se décompose en deux étapes :

–       La souscription de l’apport, qui est l’engagement pris par l’apporteur envers la société et envers ses coassociés.

–       La libération de l’apport, qui correspond à l’exécution de cet engagement.

Par exemple, si l’apport consiste en un apport de fonds, il y a l’engagement pris d’apporter cette somme, puis le fait de verser la somme promise à la société ou de délivrer un objet, de réaliser une prestation.

L’objet de l’apport

L’objet de l’apport peut consister en un apport :

–       en numéraire ;

–       en nature ;

–       en industrie.

Les apports en numéraire

Les apports en numéraire sont ceux qui ont pour objet une somme d’argent.

C’est l’hypothèse la plus fréquente et la plus simple d’apport, étant précisé que s’agissant de ces fonds, il faut faire attention à ne pas confondre les apports en numéraire et les prêts qui peuvent être consentis par l’associé à la société, notamment les « apports en compte courant », pratique très courant qui correspond à des fonds dont les associés font l’avance à la société, et qui constitue plutôt des prêts que des apports puisque l’associé qui apporte des fonds est créancier de la société, au titre d’un prêt et non pas d’un apport. L’apport en compte courant ne lui accorde pas de nouveaux droits sociaux.

S’agissant du régime de ces apports, il faut distinguer selon les étapes de l’acte d’apport :

–       La souscription des apports en numéraire est nécessairement immédiate et intégrale. En effet, à la constitution de la société, il faut que la somme soit immédiatement et intégralement acquise pour le montant du capital social.

–       La libération des apports en numéraire peut en partie être différée dans des conditions et délais prévus par les statuts. En effet, les statuts peuvent prévoir que les apports peuvent ne pas être intégralement libérés au moment de la constitution de la société, sous réserve de certaines règles légales spécifiques.

Cela étant, il existe des sanctions particulières en cas d’inexécution de la libération, d’après l’article 1843 alinéa 5 du Code civil. Il y a deux types de sanctions :

o   Les sanctions qui frappent l’apporteur, à savoir que les intérêts courent de plein droit sans mise en demeure contre lui.

o   Les sanctions dirigées contre les dirigeants de la société qui ne procéderaient pas à l’appel de fonds dans les délais, qui est une sanction d’injonction de faire, à savoir que tout intéressé peut demander en référé qu’il soit fait injonction à ces dirigeants sous astreinte de procéder à l’appel de fonds dans les délais requis.

Les apports en nature

Les apports en nature sont les apports qui portent sur un bien autre qu’une somme d’argent.

Il peut s’agir d’un apport qui porte sur un bien corporel (un terrain, un bâtiment, de l’outillage, du matériel, un véhicule) ou un bien incorporel (un fonds de commerce, des brevets, une marque, des créances).

Cela étant, en ce qui concerne les apports en nature, il peut y en avoir trois variétés différentes :

–       L’apport peut être un apport en propriété, la société devient alors propriétaire du bien qui lui est apporté. Dans ce cas, l’opération d’apport portant sur un bien apporté en propriété à la société est très proche d’une vente. On retrouve dans cette opération des obligations de garantie identiques à celles du vendeur (article 1843-3 alinéa 3 du Code civil)

–       L’apport peut être un apport en usufruit, il y a transfert de droits réels (mais uniquement de l’usufruit et non de la pleine propriété), avec cette particularité que l’usufruit est normalement un droit viager, qui prend fin à la mort de l’usufruitier. Il y a donc une limite dans le cas des sociétés, qui limite la durée de l’usufruit apporté à une personne morale à 30 ans (article 619 du Code civil).

–       L’apport peut être un apport en jouissance, qui en pratique est assez rare. L’apporteur reste propriétaire, et la société n’acquiert qu’un droit personnel sur le bien ayant fait l’objet de l’apport et non pas un droit réel. L’opération d’apport portant sur un bien apporté en jouissance à la société est très proche d’un bail. L’apporteur supporte d’ailleurs des garanties qui sont celles du bailleur (article 1843-3 alinéa 4 du Code civil).

Quant au régime de ces apports en nature, les apports en nature comme les apports en numéraire concourent à la formation du capital social, de sorte qu’ils doivent être intégralement souscrits au moment de la constitution de la société.

Dans certaines formes sociales, il faut en outre qu’il soit intégralement libéré dès la constitution de la société.

Ces apports en nature présentent toutefois une difficulté d’évaluation. Cette évaluation peut en effet se révéler délicate dans la mesure où les biens n’ont pas tous une valeur objective et indiscutable. Pourtant, il est très important de leur donner dans le cadre de la société une valeur qui corresponde à leur valeur véritable. En effet, ces apports participent du capital social qui constitue une garantie des créanciers. Par ailleurs, les parts sociales doivent correspondre à la valeur de l’apport. C’est pourquoi dans certaines sociétés il est nécessaire de suivre une procédure particulière, décrite à l’article 1843-4 du Code civil (nomination d’un expert – commissaire aux apports – chargé de l’évaluation des apports en nature).

Les apports en industrie

Les apports en industrie sont ceux qui ont pour objet une prestation, qui vont consister à développer une activité pour le compte de la société.

Il faut toutefois veiller à ne pas confondre cet apport en industrie avec un contrat de travail, dans la mesure où dans les deux cas la personne va développer une activité au service de la société. Toutefois, pour faire la distinction, il faut garder à l’esprit que l’apporteur en industrie agit de manière indépendante et non de manière subordonnée, et qu’il n’est pas rémunéré par un salaire mais rétribué par l’attribution de droits sociaux.

Ces apports en industrie sont assez particuliers, dans la mesure où l’apport en industrie présente la particularité d’avoir un caractère immatériel et personnel (extrapatrimonial). C’est une prestation que l’apporteur va réaliser au profit de la société. Compte tenu de ce caractère immatériel et personnel de l’apport en industrie, on comprend qu’il soit appréhendé de manière particulière par rapport aux autres apports.

Tout d’abord, les apports en industrie vont avoir un rôle limité puisqu’ils ne rentrent pas dans la composition du capital social, d’après l’article 1843-2 du Code civil. Il en résulte que ces apports ont un domaine limité en ce sens qu’ils sont en principe interdits dans les sociétés à risque limité, puisque dans ces sociétés la seule garantie des créanciers est précisément le capital social.

Néanmoins, aujourd’hui ils sont autorisés dans les sociétés à responsabilité limitée depuis la loi relative aux Nouvelles Régulations Economiques (NRE) de 2001. Ils sont également autorisés dans les sociétés par actions simplifiée depuis la loi de modernisation de l’économie de 2008.

Ces apports en industrie placent l’apporteur dans une situation particulière dans la mesure où l’apporteur en industrie va recevoir en contrepartie des droits amoindris, puisqu’il va recevoir des parts ou des actions mais des parts ou des actions d’industrie, qui sont inaliénables, et qui ne donnent droit à des bénéfices que correspondant à ceux qui reviennent à l’apporteur qui a le moins apporté (article 1844-1 du Code civil).

En revanche, l’apporteur en industrie possède des obligations supplémentaires à celles qui pèsent sur les autres apporteurs, comme une obligation de non-concurrence envers la société, d’après l’article 1843-3 alinéa 6 du Code civil.

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