Le Droit Préférentiel de Souscription (DPS) : mécanisme de protection des actionnaires

Par Ines Belkheiri, le 30 août 2021, mis à jour le 26 août 2021 — 12 minutes de lecture
DPS

Dans le cadre de l’opération d’augmentation de capital par apport en numéraire, certains mécanismes ont été créés spécifiquement pour renforcer la protection ou créer des modes de protection des actionnaires déjà en place. Parmi les mécanismes principaux figure le droit préférentiel de souscription.

La notion de droit préférentiel de souscription

La définition du droit préférentiel de souscription

Le droit préférentiel de souscription, souvent abrégé « DPS », est un droit qui est attribué à un associé ou actionnaire dans une société, lui accordant une souscription prioritaire à l’augmentation de capital par apport en numéraire de la société, à hauteur de sa participation dans le capital social. Ce droit est cessible et peut également disparaître par une décision de l’assemblée générale extraordinaire ou par renonciation personnelle (voir régime juridique ci-dessous).

Le domaine du droit préférentiel de souscription

Un régime clair pour les sociétés par actions

Naturellement, c’est en matière de sociétés par actions que le mécanisme du droit préférentiel de souscription est envisagé et réglementé de manière approfondie aux articles L. 225-132 et suivants du Code de commerce.

Un régime précisé par la jurisprudence pour les sociétés à responsabilité limitée

Le législateur n’a en effet prévu aucune disposition concernant ce droit pour les autres sociétés. Toutefois, cela ne signifie pas que cela est interdit puisqu’il est possible de prévoir ce droit de manière conventionnelle, en précisant son existence dans les statuts de la société, dans les hypothèses d’augmentations de capital par numéraire (Cour de cassation. Com., 18 avril 2000, n° 97-21.569). Cet arrêt a même prévu la possibilité de créer le droit préférentiel de souscription au moment même de l’augmentation de capital. Il est toutefois conseillé de le prévoir dans les statuts afin de préciser son régime juridique précis.

Les intérêts du droit préférentiel de souscription

La non-dilution des droits des actionnaires

Le mécanisme du droit préférentiel de souscription constitue un mécanisme de protection des actionnaires déjà en place car il permet d’éviter la dilution des actions de ces derniers. Lorsqu’une augmentation de capital est mise en place, ce droit préférentiel permet aux actionnaires déjà en place de conserver leur pourcentage de participation dans le capital social intact. 

Ainsi, leurs droits politiques (droit de vote) et leurs droits financiers (dividendes) restent inchangés ce qui leur apporte une sécurité juridique appréciable.

L’avantage financier

Le droit préférentiel de souscription peut se monnayer et permettre aux associés n’ayant pas les ressources financières nécessaires pour participer à une augmentation de capital de renoncer à l’exercice de leur droit préférentiel de souscription ou de le céder à d’autres actionnaires contre rémunération.

La stabilité de l’actionnariat

Le fait de mettre en place un droit préférentiel de souscription dans les statuts de la société permet de conférer à la société elle-même une stabilité dans son actionnariat puisqu’il protège les associés déjà en place. Cette stabilité est un point positif pour l’image de la société et son fonctionnement.

Le droit préférentiel de souscription, gage de succès

La création et la mise en place d’un droit préférentiel de souscription lors d’une augmentation de capital est un gage de succès pour l’opération envisagée.

Les différences entre le droit préférentiel de souscription et la prime d’émission

Le droit préférentiel de souscription, parce qu’il permet aux associés et actionnaires de participer prioritairement à l’opération d’augmentation de capital, peut être rapproché de la prime d’émission dans sa finalité de protection.

Toutefois, il existe des différences importantes avec la prime d’émission :

  • Le droit préférentiel de souscription constitue une prérogative majeure de l’actionnaire comme le prévoit l’article L. 225-132 du Code de commerce qui encadre ce droit dans les sociétés par actions) alors que la prime d’émission ne porte pas l’objectif de protéger les droits politiques des actionnaires.
  • Contrairement à la prime d’émission, le droit préférentiel de souscription a pour finalité exclusive de protéger les associés ou actionnaires.

Le régime juridique du droit préférentiel de souscription

Comme énoncé précédemment, les dispositions encadrant le droit préférentiel de souscription pour les sociétés par actions se trouvent à l’article L.225-132 et suivants du Code de commerce.

Le droit préférentiel de souscription, un droit réservé exclusivement aux actionnaires

Le droit préférentiel de souscription est réservé uniquement aux actionnaires et ce, à hauteur de leur participation au capital social. Cela signifie que les autres personnes non-actionnaires, telles que les obligataires peuvent participer aux assemblées générales mais pas se prévaloir du droit préférentiel de souscription.

Il est important de noter que tous les actionnaires disposent de facto du droit préférentiel de souscription, peu importe qu’ils détiennent des actions ordinaires ou des actions de préférence. Cela fait du droit préférentiel de souscription un droit d’ordre public pour les actionnaires puisqu’il s’impose à eux en raison de leur titre.

Le principe : la souscription à titre irréductible

Le droit préférentiel de souscription n’est activé que si les titres y afférant sont libérés dans leur intégralité. Dans le cas où certains titres n’auraient pas été tous libérés, le droit préférentiel de souscription est suspendu.

L’actionnaire qui détient un droit préférentiel de souscription proportionnel à sa participation dans le capital social, exerce son droit à titre irréductible ce qui signifie qu’il souscrit personnellement et préférentiellement aux actions qui vont être créées au moment de l’augmentation de capital. La société doit permettre à l’actionnaire de participer à l’augmentation de capital et ne doit pas réduire le nombre de titres auxquels peuvent prétendre les actionnaires au titre de leur droit.

L’exception : la souscription à titre réductible

L’existence de la possibilité de souscrire à titre réductible 

Le droit préférentiel de souscription offre une faculté de souscrire et ne constitue pas une obligation de souscription. Cela signifie qu’un associé déjà en place a la possibilité de ne pas souscrire à titre irréductible et accepte par cet acte le risque de se voir dilué par l’opération.

Les actions existantes mais non souscrites à titre irréductible peuvent être souscrites par d’autres associés à titre réductible. Ainsi, l’associé qui a d’ores et déjà souscrit à titre irréductible peut acquérir les droits préférentiels de souscription auprès d’autres associés et ainsi augmenter le nombre de droits qu’il détenait.

En pratique, on observe que très souvent, sauf pour les sociétés cotées, la souscription est réalisée à titre irréductible.

Les règles entourant la souscription à titre réductible

La possibilité de souscrire à titre réductible ne peut être exercée qu’à la condition qu’elle soit prévue par l’assemblée générale extraordinaire à la suite de la décision d’augmentation de capital, en vertu de l’article L. 225-133 du Code de commerce.

L’assemblée générale extraordinaire des associés qui a décidé d’autoriser l’opération d’augmentation de capital et qui a donc autorisé l’émission d’actions nouvelles, est soumise à un délai de souscription (article L.225-141 du Code de commerce) dans le cadre de l’exercice du droit préférentiel de souscription alors qu’usuellement elle est libre sur ce point.

A peine de nullité, le délai accordé aux actionnaires pour l’exercice du droit préférentiel de souscription ne peut pas être inférieur à 5 jours à compter de l’ouverture de la souscription afin qu’ils puissent décider s’ils souhaitent souscrire ou non leur droit préférentiel de souscription.

La seule possibilité offerte concernant ce délai est celle de la clôture par anticipation du délai dès lors que tous les droits préférentiels de souscription ont été exercés. Cela doit être indiqué dans le procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire qui contient la date d’ouverture et de fermeture de la souscription.

La cession du droit préférentiel de souscription

Un droit patrimonial, accessoire des parts sociales

Le droit préférentiel de souscription peut être considéré comme un droit patrimonial, pécuniaire qui est accessoire des parts sociales ou des actions détenues par l’associé ou actionnaire. En effet, il est détachable des titres et cessible durant toute la durée de la souscription, comme les titres. Cela signifie qu’il est possible de céder le droit préférentiel de souscription tout en conservant son action. Il est évaluable en argent et peut donc être négocié de façon séparée.

Un droit cessible

Ce droit peut être cédé à :

  • Des actionnaires déjà en place ;
  • À un tiers si l’assemblée le prévoit ;
  • Aux héritiers dans le cadre d’une dévolution successorale, d’une restructuration de la société associée, de la fusion ou de la scission de société.

Ce transfert de droit préférentiel de souscription ne peut avoir lieu que pendant la période de souscription. Après cette période, il n’est plus possible de négocier et céder son droit préférentiel de souscription et ce dernier devient caduc par défaut d’objet.

Un droit cessible selon deux types de transfert

Pour rappel, une part sociale est un bien incorporel de nature mobilière. Il est donc possible de le transférer le droit préférentiel de souscription de deux façons :

  • Via la cession de créance de droit commun (article 1690 du Code civil) qui est applicable à la part sociale sous condition de réaliser un acte d’huissier ou acte authentique.
  • Via la négociation de titres relevant du droit qui correspond à virement de compte à compte. 

Le droit préférentiel de souscription n’est transmissible que selon les règles de transmission du titre social dont il est l’attribut (civiles ou commerciales).

La valeur d’un droit préférentiel de souscription

Il existe différentes méthodes de valorisation du droit préférentiel de souscription qui sont plus ou moins complexes. 

La valeur retenue dépendra en général de la valeur du marché afin d’éviter une perte de la valeur des titres déjà détenus lors de l’augmentation de capital.

La disparition du droit préférentiel de souscription

Le droit préférentiel de souscription est certes un mécanisme de protection pour les actionnaires mais il peut parfois présenter quelques inconvénients. Par exemple, il peut constituer un frein à l’arrivée de nouveaux investisseurs extérieurs privés ou institutionnels ou lorsqu’on veut placer des actions sur un marché.

Pour cette raison, le législateur prévoit deux mécanismes pour faire disparaître le droit préférentiel de souscription : la suppression et la renonciation.

La suppression

La suppression est prévue par l’article L. 225-135 du Code de commerce. Cet article dispose que l’assemblée générale extraordinaire peut décider la suppression du droit préférentiel de souscription au moment de la prise de décision d’augmentation de capital pour la totalité de l’augmentation ou partiellement.

Il a été décidé que la non-fixation à l’ordre du jour de l’assemblée de la suppression du droit préférentiel de souscription (Cass. Com., 25 sept. 2012) entraîne la nullité de la décision.

Il y a deux situations envisageables :

  • La suppression en cas d’augmentation de capital réservée (article L. 225-138 du Code de commerce)

Dans ce cas, au moment de l’augmentation de capital, l’assemblée générale décide de réserver les titres nouvellement créés à des personnes nommément désignées, ou à une catégorie de personnes (investisseurs institutionnels, investisseurs agréés). 

Le texte précise les mentions obligatoires (identité des bénéficiaires, nombre de titres attribués) et l’obligation de l’audition de deux rapports (rapport du dirigeant et rapport du commissaire aux comptes) qui reviennent sur les conséquences de la suppression du droit préférentiel de souscription pour les actionnaires déjà en place, sous peine de nullité de la décision de suppression du droit. 

  • La suppression dans le cadre des sociétés cotées (article L. 225-136 du Code de commerce). 

La suppression se fait souvent sans indication de bénéficiaire lorsque la société est cotée et que le capital est augmenté. Les deux rapports sont également obligatoires.

La renonciation 

En principe, la renonciation implique le consentement unilatéral de l’associé qui renonce à son droit préférentiel de souscription en vertu de l’article L.225-132 alinéa 4 du Code de commerce. Il s’agit juridiquement d’un abandon volontaire unilatéral exprès envoyé par lettre recommandée avec accusé de réception à la société, ayant pour finalité d’accélérer le processus qui est soumis à un formalisme précis (article R. 225-122 du Code de commerce).

L’article L.225-132 du Code de commerce prévoit des hypothèses de renonciation automatique telles que la mise en œuvre de bons de souscription d’actions qui sont des valeurs mobilières.

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