La prime d’émission : mécanisme de protection des actionnaires

Par Ines Belkheiri, le 2 septembre 2021, mis à jour le 26 août 2021 — 7 minutes de lecture
prime

Lors d’une opération d’augmentation de capital par apport en numéraire, il existe certains mécanismes particuliers qui ont pour finalité de renforcer la protection ou créer des modes de protection des actionnaires déjà en place. Les mécanismes les plus utilisés en pratique sont le droit préférentiel de souscription et la prime d’émission. Cet article développera les spécificités de la prime d’émission à travers l’analyse de ses fonctions et de son régime.

Notion et fonctions de la prime d’émission

Définition de la prime d’émission

D’après l’article L. 225-128 du Code de commerce, la prime d’émission est payée par le souscripteur, en sus du montant nominal des parts qu’il va acquérir dans le cadre de l’augmentation de capital ou de l’entrée d’un nouvel associé. Ainsi, la prime d’émission est une somme d’argent qui correspond à l’écart entre le montant de la valeur réelle des titres et leur valeur nominale. Elle peut également être définie comme l’excédent du prix d’émission sur la valeur nominale des actions ou des parts sociales attribuées à l’apporteur.

En tant que complément d’apport pour le souscripteur, elle constitue ainsi une réserve pour la société qui sera comptabilisée à part, et au passif du bilan comptable (dans le compte numéro 1041 « Primes d’émission »). Fiscalement, la prime d’émission étant un complément d’apport et non pas un produit imposable, elle n’impacte pas le résultat comptable.

Les fonctions de la prime d’émission

La prime d’émission a différents objectifs :

  • Elle permet de couvrir les frais engendrés par l’opération d’augmentation de capital car elle intègre les capitaux propres de la société et n’a pas vocation à être incorporée au capital. La société a donc la liberté de disposer de cette somme comme elle l’entend.
  • Elle permet d’économiser certains frais tels que les frais d’honoraire, les frais d’intermédiaires ou de notaire, ou des charges sociales et fiscales ;
  • Elle a également pour autre objectif de garantir l’égalité entre les associés déjà en place et les nouveaux arrivants et éviter la dilution de l’actionnariat en place. Elle vise en effet à sauvegarder les droits pécuniaires des anciens associés en rétablissant l’égalité en valeur entre les anciennes actions et les nouvelles. En effet lors d’une augmentation de capital, l’associé déjà en place au sein de la société se retrouve avec un titre qui a perdu en valeur tandis que l’associé qui entre voit la valeur théorique de ses titres augmenter. C’est pour corriger ce différentiel que la prime d’émission prévoit que les nouvelles actions donnent droit à une valeur supérieure à la valeur nominale du titre. La prime d’émission constitue donc une sorte de droit d’entrée payé et versé à la société.

Valorisation et méthode de calcul de la prime d’émission

La valorisation

La valorisation de la société constitue une étape indispensable à la détermination de la prime d’émission car sans elle, aucun calcul sérieux ne pourrait être fait.

Une valorisation correcte, c’est-à-dire, ni surestimée ni sous-estimée, permet aux parties (actionnaires et apporteurs) de rester sur un pied d’égalité. Une surévaluation pourrait engendrer l’échec du projet d’augmentation de capital en raison du refus des conditions par les apporteurs qui n’accepteraient pas que les actionnaires déjà en place soient avantagés et l’effet de dilution réduit. A contrario, une valorisation sous-estimée impactera l’actionnariat en place négativement puisqu’il se verra dilué et les apporteurs seront corrélativement avantagés.

Le montant choisi lors de la valorisation est communiqué lors de l’assemblée générale qui vote l’augmentation de capital. Un agrément peut être requis dans certains types de sociétés.

La méthode de calcul

Plusieurs méthodes ont été créées pour calculer la prime d’émission. Certaines méthodes complexes consistent à prendre en compte d’autres facteurs. La méthode la plus simple consiste à diviser le montant des réserves existant avant l’augmentation de capital par le nombre de titres ou à suivre la formule suivante : (valeur de l’entreprise / nombre d’actions) – valeur nominale d’une action.

Régime juridique de la prime d’émission

Une absence de disposition

Contrairement au droit préférentiel de souscription, la prime d’émission n’est pas imposée par la loi, peu importe la société en jeu. Elle est seulement évoquée à l’article L. 225-128 du Code de commerce pour les sociétés par actions.

Toutefois, en vertu de la liberté contractuelle, la prime d’émission peut être prévue de manière conventionnelle, dans tout type de société.

La collectivité des actionnaires, qui se réunissent en assemblée générale, décide en général de la création de la prime d’émission car il s’agit bien d’une faculté et non d’une obligation. Si la prime a été fixée au moment de la décision, la société est libre de décider de l’affectation de cette prime. Les mois suivants, ce sont les assemblées ordinaires qui se prononcent ainsi sur le devenir de la prime d’émission. Il est même possible que ce soit l’assemblée générale ordinaire annuelle qui distribue la prime d’émission. 

Le paiement de la prime d’émission dans les sociétés par actions

En vertu de l’article L. 225-124 du Code de commerce qui vise les sociétés par actions (sociétés anonymes, sociétés par action simplifiée, sociétés en commandite par actions) :

  • Les actions en numéraire sont obligatoirement libérées, lors de la souscription à une augmentation de capital d’un quart au moins de leur valeur nominale, le reliquat éventuel devant ensuite être libéré dans les 5 ans suivants le jour de l’augmentation de capital social ;
  • La prime d’émission doit être intégralement et immédiatement libérée au moment de la souscription des actions, sous peine de sanctions pénales (l’article L. 242-17 du Code de commerce). 

Le paiement de la prime d’émission dans les sociétés à responsabilité limitée

Pour les sociétés à responsabilité limitée, les actions en numéraire sont obligatoirement libérées, lors de la souscription à une augmentation de capital d’un quart au moins de leur valeur nominale (sauf si un montant minimum plus important est prévu dans les statuts), le solde éventuel devant ensuite être libéré dans les 5 ans suivants le jour de l’augmentation de capital social). En revanche, concernant la prime d’émission, il n’y a aucune règle explicite. Cela dépend de ce qu’ont convenu les associés sur ce point. Ces derniers peuvent prévoir une libération intégrale comme un paiement échelonné.

L’opportunité de création d’une prime d’émission

Il a été constaté en pratique que le fait de ne pas prévoir une prime d’émission ou une prime faible permet de favoriser l’arrivée de nouveaux arrivants. Ainsi, la création d’une prime d’émission va résulter d’une discussion entre la majorité et la minorité, qui ont souvent des intérêts divergents. 

Parfois, lors d’augmentations de capital sans prime d’émission, il peut y avoir :

  • Des abus de majorité ;
  • Des cas de prime d’émission d’un montant injustifié (majorée ou minorée) qui lèse les créanciers et constitue ainsi une fraude aux droits des créanciers ;

–       Des actes anormaux de gestion aux yeux de l’administration fiscale qui considère comme un dû l’absence de prime d’émission qui entraine une forme d’enrichissement pour la société.

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