La fusion d’entreprises : comment la préparer ?

Par Ines Belkheiri, le 30 juin 2021 — 11 minutes de lecture
déroulement d'une fusion de société

Les opérations telles que la fusion, la scission ou d’apport partiel d’actif sont aujourd’hui courantes dans la vie des sociétés. Toute société commerciale peut aujourd’hui réaliser ce type d’opération, ce qui n’était pas le cas avant la réforme de 2012, puisque pour les apports partiels d’actifs par exemple, il n’y avait que les SARL et les SPA qui pouvaient procéder à ce type d’opération. La réglementation applicable aujourd’hui est triple : les articles L. 236-1 à L. 236-6 du Code de commerce s’appliquent à toute société commerciale, quelle que soit sa forme sociale ; les articles L. 236-8 à L. 236-22 du Code de commerce prévoient des règles propres aux SPA et enfin, les articles L. 236-23 et L. 236-24 du Code de commerce prévoient des règles propres aux SARL. La fusion est une des opérations les plus techniques à réaliser et nécessite une réelle attention quant aux étapes nécessaires. De l’analyse des textes se dégagent deux étapes : il faut d’abord réaliser un projet de fusion avant de passer à l’étape finale de la décision d’adoption de la fusion. Cet article se concentrera sur la réalisation du projet de fusion.

La fusion : quelle définition ?

La fusion, une réunion de deux sociétés

Les textes

Régie par l’article 1844-4 du Code civil fixant le cadre général et l’article L.236-1 du Code de commerce pour le détail des sociétés commerciales, la fusion est une opération qui va permettre la réunion de deux sociétés pour n’en former plus qu’une seule. Dans cette opération de fusion, on a la dissolution sans liquidation de l’une des sociétés. Les fusions peuvent s’opérer entre des sociétés de forme différente ou entre des sociétés de forme identique mais soumises à des statuts particuliers (art.  1844-4, al. 3 C.Civ.), lesquelles peuvent même être dissoutes et en cours de liquidation (art.  1844-4, al. 1er C.Civ.).

La fusion sur le plan économique

Sur le plan économique, la fusion va permettre de réaliser une opération de concentration, qui permet à la société absorbante d’acquérir une plus grande puissance économique à l’issue de l’opération. 

La fusion sur le plan juridique

D’un point de vue juridique, la fusion est l’opération par laquelle une ou plusieurs sociétés transmet son patrimoine à une société existante ou à une nouvelle activité. La caractéristique importante est donc la transmission universelle de patrimoine au profit des sociétés bénéficiaires de la fusion.

Les opérations de fusion doivent-elles être réalisées en valeur comptable ou en valeur réelle ?

Pour choisir entre la valorisation comptable et la valeur réelle, le critère sur lequel se concentrent les commissaires aux comptes est le critère du contrôle. Ainsi, si l’une des sociétés contrôle l’autre, il est préférable de mettre en place une méthode de valorisation comptable. Si ce n’est pas le cas, il pourra être possible de choisir une autre méthode. 

Comment choisir le sens de la fusion ?

Un choix libre

La question du sens de la fusion est souvent essentielle. Or, aucune disposition légale n’impose et ne précise qui des deux sociétés doit absorber l’autre. C’est donc un choix, une décision qui va être prise par les partenaires. Logiquement, au gré des discussions, les parties vont se mettre d’accord et déterminer qui sera la société absorbante et la société absorbée. Le blog sos-justice.net ajoute que sont souvent des raisons juridiques qui vont souvent permettre de choisir. 

Quelques exemples

Lorsqu’une société a conclu des contrats marqués par l’intuitu personae qui représentent une valeur marchande relativement importante pour la société, il est préférable que ce soit elle qui soit l’absorbante pour ne pas perdre le bénéfice de ces contrats. Pour les sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés qui fusionnent, les déficits qui existent au fur et à mesure des années de la société absorbée ne peuvent pas être transmis à la société absorbante, sauf à obtenir un agrément ministériel régi par l’article 209 II du CGI. Cet agrément permet ainsi à la société absorbante de bénéficier des déficits fiscaux et de les imputer sur les bénéfices. Les textes n’envisagent que les déficits fiscaux de l’absorbée mais ne prévoient pas le sens inverse. Pour éviter le risque d’abus de droit, le Conseil d’État, dans un arrêt Auriège du 21 mars 1986 n°53002, a considéré que l’opération – une fusion à l’envers en l’espèce – était valable dès lors que l’opération de fusion répondait à une logique économique par-delà l’existence des considérations fiscales.

Deux types de fusions existants

La fusion par création d’une société nouvelle

Deux sociétés qui existent déjà vont apporter la totalité de leur patrimoine à une société nouvelle qui va alors être créée. Les deux sociétés vont donc disparaître en parallèle de la création d’une nouvelle entité qui va recevoir les patrimoines des deux anciennes sociétés.

La fusion-absorption

La société absorbante va procéder à une augmentation de capital et donc à la création de nouveaux titres car elle reçoit le patrimoine d’une société, dite société absorbée, qui va disparaître. Ces nouveaux titres créés sont attribués notamment aux associés de la société absorbée qui disparaît. Ces derniers peuvent également recevoir une soulte en plus des titres, qui ne peut toutefois pas dépasser 10% de la valeur nominale des titres reçus lors de l’échange car cette somme doit rester accessoire. Les associés de la société absorbée vont, dans le cadre d’un échange de titres, se retrouver associés au sein de la société absorbante. C’est l’hypothèse la plus fréquente, car c’est la plus simple à mettre en œuvre. On parle de fusion à l’endroit lorsque la mère absorbe la fille et lorsque l’actionnaire principal qui contrôle la société absorbante contrôlera après l’opération l’absorbée. On parle de fusion à l’envers lorsque la fille absorbe la mère et lorsque l’actionnaire principal de l’absorbée prendra le contrôle de l’absorbante. 

Les conditions de l’opération de fusion

Le caractère obligatoire du projet de fusion

L’article L. 236-6 du Code de commerce prévoit que l’établissement d’un projet de fusion qui est un traité, une sorte de convention, est obligatoire, parce que son rôle est essentiel. Le projet de fusion se crée au cours d’un long processus de négociation au cours duquel la pertinence économique de l’opération est analysée grâce à des due diligences, des études commerciales, comptables et juridiques de la future société absorbée. Les principaux points à régler sont la parité d’échange et la prime de fusion.

Le contenu du projet de fusion

L’intégralité des mentions qui doivent apparaître dans le projet de fusion sont présentes à l’article R. 236-1 du Code de commerce qui mentionne les éléments suivants :

  • la présentation de chacune des sociétés, avec la dénomination, la forme, le siège social des sociétés participant à l’opération ;
  • les motifs, les buts de la fusion ;
  • la désignation, l’évaluation de l’actif et du passif dont la transmission va avoir lieu au profit de la société absorbante. On va reprendre dans le traité de fusion les données comptables pour déterminer l’actif net ;
  • les modalités de remise de parts ou d’actions, et le rapport d’échange (ou parité d’échange) entre les droits sociaux ;
  • les dates d’arrêtés des comptes des sociétés intéressées, qui vont permettre de déterminer les conditions ;
  • le montant de la prime de fusion.

Ce projet de fusion doit être arrêté et signé par les dirigeants des deux sociétés.

Les conditions de la fusion

L’opération de fusion est décidée par chacune des sociétés intéressées, dans les conditions requises par la modification des statuts en vertu de l’article 1844-5, alinéa 4 du Code civil. Par défaut, on doit se référer aux règles régissant la dissolution. L’alinéa 5 de l’article précité précise que si l’opération comporte la création de sociétés nouvelles, chacune de celles-ci est constituée selon les règles propres à la forme de société adoptée. L’augmentation des engagements des associés est nécessairement subordonnée au consentement du concerné et à l’accord de l’unanimité des associés, en vertu de l’article 1836, alinéa 2 du Code civil. Si la fusion concerne des sociétés civiles, et que les statuts prévoient la consultation des associés de la société absorbante, il est possible de s’y soustraire si la société absorbante détient au moins 90% des parts de la société absorbée. Toutefois, un ou plusieurs associés de la société absorbante réunissant au moins 5% du capital social peuvent demander la désignation d’un mandataire judiciaire pour forcer la consultation des associés de la société absorbante afin qu’ils se prononcent sur l’approbation de la fusion en vertu de l’article 1854-1 du Code civil.

La parité d’échange

Puisqu’il y a inévitablement un échange de titres lors d’une fusion puisque la société absorbée va se diluer dans l’absorbante, les associés qui étaient dans l’absorbée vont recevoir des titres au sein de l’absorbante. Ainsi, il est impératif de prévoir quelle sera la parité d’échange, ou rapport d’échange, régi par l’article R. 236-1 du Code de commerce qui fait partie des mentions obligatoires du projet de fusion. L’objectif de cette parité d’échange est de déterminer le nombre de titres à créer au sein de l’absorbante pour rémunérer les titres apportés par les associés de la société absorbée. Pour déterminer le montant de l’augmentation de capital, il faudra ainsi appliquer le rapport d’échange au nombre de parts de la société absorbée pour déterminer le nombre de parts à créer chez la société absorbante. Or, la fixation de cette parité d’échange suppose d’abord de déterminer la valeur bilancielle de chacune des deux sociétés par un comptable. On va aboutir à une comparaison des valeurs, que l’on va réaliser à l’échelle de la part sociale. Une fois que l’on a la valeur des actions de chaque société, on a la parité d’échange. 

La prime de fusion

Le projet de fusion doit nécessairement mentionner le montant prévu de la prime de fusion, qui est comparable à la prime d’émission envisagée également à l’occasion d’une augmentation de capital. Toutefois, contrairement à la prime d’émission qui est payée par les arrivants tel un droit d’entrée, la prime de fusion quant à elle, n’est payée par personne bien que la survaleur qui découle de l’opération apparaisse dans le bilan comptable. Concrètement, la prime de fusion sert à traduire l’enrichissement de la société absorbante (boni de liquidation) par le différentiel entre la valeur réelle de la part et sa valeur nominale. En effet, la valeur nominale qui est intangible est celle qui traduit l’apport qui a été réalisé au jour de la constitution de la société, et qui apparaît généralement dans les statuts. Elle peut, au cours de la vie sociale, ne plus exprimer la valeur réelle du titre.

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