Le bail commercial : conditions pour en bénéficier et régime d’exécution

Par Hélène, le 29 mars 2021 — 8 minutes de lecture
exemple de bail commercial expliqué par des avocats d'affaires

Tout entrepreneur désirant commencer une activité commerciale devra sans doute avoir recours à un bail commercial pour louer un local servant à l’exploitation de son fonds de commerce. Le bail commercial a pour particularité d’offrir une protection très forte au commerçant locataire : il bénéficie d’une durée minimale de location de 9 ans, d’un droit au renouvellement ou du versement d’une indemnité d’éviction par le bailleur en cas de refus de renouvellement. Pour bénéficier de cette protection forte à l’égard du bail que l’on qualifie parfois de « propriété commerciale », des conditions strictes s’appliquent, ainsi qu’un régime d’exécution impératif qui viennent limiter la liberté contractuelle du bailleur (articles L145-1 à L145-60 du Code de commerce). Toutefois, certains professionnels qui ne rentrent pas dans les conditions des baux commerciaux peuvent se prévaloir du régime des baux professionnels issu de la loi n°86-1290 du 23 décembre 1986, mais beaucoup moins protecteur.

Conditions pour bénéficier du statut des baux commerciaux

Conditions relatives au bail

Le locataire doit être titulaire d’un véritable louage d’immeuble. Le propriétaire du fonds ne doit ainsi pas jouir des locaux en qualité de copropriétaire, indivisaire, ou d’usufruitier.

Le statut ne s’applique donc pas non plus aux baux emphytéotiques, à construction, à la concession immobilière, au contrat de crédit-bail immobilier, notamment.

Conditions relatives au local

Par principe, tout bénéficiaire du statut doit disposer d’un local.

Il doit s’agir de locaux stables et permanents, ce qui excluent les simples emplacements concédés sur les parkings de grandes surfaces, les emplacements variables (tels que des cloisons légères et mobiles), les vitrines et murs publicitaires, les buvettes situées sur les lieux sportifs.

Le statut des baux commerciaux ne s’applique qu’aux locaux principaux dans lesquels le fonds est exploité. Les locaux accessoires n’y sont soumis que si la privation est de nature à compromettre l’exploitation du fonds et s’ils appartiennent au même propriétaire que le local principal.

Les terrains loués nus ne sont soumis au statut des baux commerciaux que lorsque des constructions y sont édifiées.

Conditions relatives à l’exploitation du fonds

Le statut est réservé aux commerçants et artisans propriétaires d’un fonds de commerce exploité dans les lieux loués.

Pour cela, le commerçant doit avoir une clientèle personnelle, propre et autonome [1], ce qui n’est pas le cas du commerçant qui exploite une buvette sur un champ de course par exemple puisque la clientèle est rattachée à l’organisateur de l’événement et non au commerçant.

Conditions relatives aux parties :

Par principe, le bailleur doit être propriétaire de tout l’immeuble. Ainsi, s’il n’est qu’usufruitier, il doit obtenir le concours du nu-propriétaire (article 595 alinéa 4 du Code civil). Ou bien s’il est marié sous un régime de communauté, il doit obtenir le consentement de son époux pour conclure le bail (article 1425 du Code civil).

Le preneur quant à lui doit être immatriculé au RCS ou au répertoire des métiers pour les artisans, sauf lorsque le propriétaire du fonds en a concédé l’exploitation en location-gérance.

Lorsque le bail est conclu avec plusieurs preneurs ou coindivisaires, l’exploitant du fonds de commerce bénéficie du statut même en l’absence d’immatriculation au RCS des autres copreneurs. C’est également le cas des héritiers en cas de décès du titulaire du bail (article L145-1 du Code de commerce).

Un commerçant micro-entrepreneur, et donc dispensé d’immatriculation, peut conclure un bail commercial.

Régime d’exécution d’un bail commercial

Le locataire doit jouir raisonnablement des locaux, garantir le paiement des loyers, faire les réparations lui incombant, etc. [2].

L’article L145-40-1 du Code de commerce impose désormais qu’un état des lieux contradictoire soit établi par un tiers ou un huissier de justice avant chaque prise de possession des locaux par un locataire et lors de leur restitution.

L’article L145-4 du Code de commerce a imposé une durée minimale de 9 ans pour les baux commerciaux, avec une révision du loyer tous les 3 ans (article L145-38 du Code de commerce) (alors que les baux professionnels ne sont conclus que pour 6 ans, sans droit au renouvellement ni indemnité d’éviction) ; le premier bail pouvant être réduit à 3 ans.

Le preneur doit notifier son congé au bailleur avec un préavis de 6 mois par LRAR.

6 mois avant l’échéance du renouvellement, le bailleur peut délivrer un congé avec offre ou refus de renouvellement.

Le montant du premier loyer est fixé librement par les parties. Au moment de l’entrée dans les lieux, le bailleur peut exiger un pas-de-porte (= une somme d’argent supplémentaire pour l’entrée dans les lieux).

Le bail peut contenir une clause d’indexation des loyers calculant le prix du loyer par rapport à un indice. En présence d’une telle clause, l’article L145-39 du Code de commerce permet de demander la révision du loyer dès lors que l’application de cette clause fait varier le loyer de plus de 25% par rapport au prix fixé contractuellement ou par décision judiciaire.

La déspécialisation, sans autorisation du bailleur est un motif de résiliation anticipée du bail pour le locataire : en principe, le locataire ne peut pas modifier sans l’accord du bailleur la destination des locaux telle qu’elle a été fixée dans le bail. Ainsi, un boulanger ne peut pas exercer une nouvelle activité de menuiserie sans l’accord de son bailleur si elle n’était pas prévue dans le bail initial.

Cela dit, la déspécialisation totale peut être demandée par voie judiciaire en cas de refus du bailleur.

En revanche, la déspécialisation partielle est possible si la nouvelle activité est complémentaire à celle d’origine : ainsi un boulanger peut commencer une nouvelle activité de pâtisserie (article L145-47 du Code de commerce).

La déspécialisation devient possible pour le locataire qui désire bénéficier d’une retraite, à condition qu’il informe le bailleur et les créanciers du fonds de son intention de céder le bail en précisant la nature des activités envisagées et le prix proposé (article L145-51 du Code de commerce).

Il est possible d’interdire contractuellement la cession du bail sans le fonds de commerce (article L145-16). La cession ne sera ainsi autorisée qu’au profit de l’acquéreur du fonds.

Les clauses résolutoires par lesquelles les parties conviennent à l’avance que l’inexécution d’une obligation contractuelle emportera la résiliation sont en principe licites. Leur mise en œuvre ne peut résulter que d’un acte extrajudiciaire et elles doivent faire l’objet d’une interprétation stricte.

Le locataire bénéficie d’un droit de préemption en cas de vente du local par le bailleur (article L145-46-1 du Code de commerce).

Le locataire propriétaire de son fonds de commerce bénéficie d’un droit au renouvellement lorsque le bail vient à expirer. En principe, ce droit est refusé au simple locataire-gérant.

Pour en bénéficier le locataire doit pouvoir justifier d’une exploitation effective du fonds pendant au moins 3 ans (article L145-8).

Si le bailleur refuse le renouvellement, il doit verser une indemnité d’éviction au locataire.

S’il trouve l’indemnité trop élevée, le bailleur bénéficie d’un droit de repentir et peut accepter le renouvellement dans les 15 jours du jugement, mais à condition de payer les frais de l’instance (L145-58).

Le bailleur peut refuser le renouvellement sans verser d’indemnité d’éviction :

  • En cas de motif grave et légitime du locataire (défaut de paiement du loyer, sous-location interdite par le bailleur, défaut d’entretien grave, etc.).
  • Pour reprendre le logement pour l’habiter, seulement pour la partie à usage d’habitation si elle est accessoire au local commercial.

Si le local est insalubre ou menace d’être en ruine et qu’il est établi que l’immeuble doit être partiellement ou totalement démoli de ce fait.


[1] Cour de cassation, civile 3ème 24 janvier 1996.

[2] Le bail commercial portant sur un immeuble, certaines règles du droit commun du bail s’appliquent.

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